« On va toujours fort » en France, mais le mouvement fait face à de nouveaux défis

Denis Godard, militant socialiste et antiraciste à Paris, écrit sur les derniers développements en France

Une photo de personnes frappant des pots en France lors d'une manifestation

Nous allons toujours fort! Une chose est sûre. Ceux qui promettaient la fin du mouvement en France verront leurs espoirs déçus.

Lundi, l’odeur des gaz lacrymogènes et des ordures incendiées a envahi Paris, Marseille, Rennes, Lyon et d’autres villes. C’est le parfum de la liberté, et il y a des processions sauvages et non officielles qui sillonnent les villes la nuit. A Paris, les gens chantent un nouveau slogan : On continue fort !

Lundi soir, Emmanuel Macron, le président autocratique, s’est exprimé à la télévision. Au lieu de l’écouter passivement, le mouvement a organisé des rassemblements de pot-banging devant les mairies à travers la France. De plus, les gens ont cogné des casseroles aux fenêtres et aux balcons dans de nombreux quartiers.

Ces derniers jours, une nouvelle phase du mouvement a commencé. Sur la question du relèvement de l’âge de la retraite, il n’y a plus aucune chance de victoire en s’appuyant sur le parlement et les institutions de l’Etat.

Vendredi de la semaine dernière, la Cour constitutionnelle a rejeté le dernier recours contre la loi. Et le lendemain matin, Macron l’a promulgué. Cela a considérablement augmenté les enjeux. En l’absence de toute voie institutionnelle, l’affrontement, au moins temporairement, n’a plus de médiation.

Cela se traduit par le refus d’écouter ce que Macron avait à dire. D’où le slogan « Nous allons toujours fort ! C’est une rupture avec la stratégie des directions syndicales qui a dominé le mouvement. Ces dirigeants se sont opposés à la poursuite des grèves de masse et au blocus général du pays.

Force contre force ? A première vue, le mouvement n’a pas, à ce stade du moins, la capacité de s’élever au niveau de l’action nécessaire pour gagner. C’est d’autant plus vrai que le pouvoir en place élève considérablement le niveau de répression.

A ce jour, les secteurs qui ont mené des grèves reconductibles se sont épuisés faute de généralisation. Et l’approche des dirigeants syndicaux a limité les expériences d’auto-organisation des travailleurs et donc la possibilité d’émergence d’un leadership alternatif plus radical.

La coordination intersyndicale, qui réunit ces dirigeants, n’a pour l’instant offert que le focus d’une autre journée d’action le 1er |mai. Mais qui peut penser qu’un nouveau jour, aussi massif soit-il, peut réaliser ce que les jours précédents n’ont pas fait, même lorsque les enjeux sont désormais plus élevés ? Mais il est caractéristique de tout processus révolutionnaire de créer le potentiel pour satisfaire ses propres besoins. Une partie de la solution peut provenir de la dynamique du mouvement lui-même.

Il y a fort à parier qu’en l’absence d’impulsion centrale, les initiatives se multiplieront à d’autres niveaux. Les cheminots ont décidé de faire grève jeudi cette semaine. Diverses actions se multiplient au niveau local. Partout où Macron et les ministres vont, ils sont accueillis par des coups de pot, des manifestations et, dans certains cas, des coupures de courant.

Les jeunes sont de plus en plus mobilisés. La répression qui se durcit suscite de nombreuses réactions, dont une colère amère contre les flics et une radicalisation. Le vide des perspectives d’en haut impose le besoin d’initiatives d’en bas. Et cela provoque des débats intenses que les révolutionnaires doivent nourrir, nourrir et étendre.

Un homme en silhouette tient une fusée éclairante rouge dans une rue jonchée d'ordures en France lors des grèves du mois dernier

La révolte française peut-elle devenir une révolution ?

Parce que le mouvement n’a pas disparu, Macron et ses acolytes tentent de le diviser. Dans le cadre de ses déclarations de lundi, Macron a annoncé vouloir relancer son attaque contre les immigrés. C’est une pièce pour recréer la loyauté envers l’État autour du nationalisme et du racisme.

Le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen se mobilise également le 1er mai avec un meeting national au Havre, haut lieu et bastion du mouvement ouvrier, particulièrement ces derniers mois.

Le mouvement doit réagir, et il s’agira là encore d’aller au-delà des dirigeants syndicaux. Ils sont passifs face aux retraites, à la démocratie, aux flics – et aussi au racisme.

Mais la colère croissante face à la brutalité policière pourrait se confondre avec la solidarité avec les immigrés alors que de nouvelles manifestations sont prévues dans tout le pays samedi prochain, le 29 avril, à ce sujet. Et une mobilisation est prévue pour manifester contre le fascisme le 1er mai au Havre.

Cette nouvelle phase du mouvement est beaucoup plus incertaine que les précédentes. Une nouvelle direction révolutionnaire capable d’offrir une alternative radicale à des centaines de milliers d’étudiants et de travailleurs ne tombe pas du ciel. La dure épreuve de la pratique, des arguments et des initiatives testés dans cette phase sera cruciale pour commencer à la construire.

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