L'incendie éclate cette fois aux États-Unis
L’ampleur des manifestations étudiantes américaines en faveur de la Palestine fait écho au mouvement étudiant mondial des années 1960.
L’ampleur de ces protestations invite à la comparaison avec le mouvement étudiant mondial des années 1960. Elle aussi était motivée par le spectacle d’une guerre impérialiste meurtrière – le Vietnam à l’époque, Gaza aujourd’hui. Et l’Université Columbia à New York était alors à l’épicentre, comme elle l’est aujourd’hui.
Bien avant l’avènement des médias sociaux, les événements survenus aux États-Unis en 1968 ont servi de base à un film hollywoodien, The Strawberry Statement, qui a contribué à ma radicalisation.
La guerre du Vietnam et l’opposition à celle-ci ont provoqué une énorme crise idéologique dans les sociétés occidentales qui a contribué à la radicalisation d’une génération de jeunes.
Il est significatif que, comme à la fin des années 1960, le massacre soit présidé par un président du Parti démocrate – Lyndon Johnson à l’époque, Joe Biden aujourd’hui. La cruauté impérialiste et l’hypocrisie du centre-gauche dominant sont une fois de plus révélées. Et aujourd’hui, la polarisation a lieu à un moment où l’idée du socialisme était déjà devenue attrayante pour la jeunesse américaine au lendemain de la crise financière mondiale. En fait, la crise générale du système est bien plus aiguë aujourd’hui qu’elle ne l’était à la fin des années 1960, à la fin du long boom d’après-guerre.
Les autres différences ne sont pas toujours aussi favorables. La radicalisation de la jeunesse à la fin des années 1960 et au début des années 1970 s’est produite dans le contexte d’une insurrection ouvrière croissante provoquée notamment par la pression sur le niveau de vie provoquée par la hausse de l’inflation. Cela s’est produit aux États-Unis, mais à une échelle bien plus grande en France, en Italie et en Grande-Bretagne. Les jeunes travailleurs faisaient partie d’une radicalisation plus large et nombre d’entre eux, aux côtés des militants étudiants, rejoignirent la gauche révolutionnaire grandissante.
La poussée inflationniste de 2021-2022 continue de peser sur le niveau de vie. Cela a provoqué un militantisme salarial croissant aux États-Unis, en Grande-Bretagne et dans d’autres pays. Mais nous n'avons pas encore vu de luttes ouvrières explosives comparables à celles de mai-juin 1968 en France, à l'Automne chaud italien de 1969 et à la révolte ouvrière britannique contre le gouvernement conservateur de 1970-74.
Pendant ce temps, l’extrême droite est bien plus en avant que dans les années 1960. En Europe, c'est avant tout une force électorale puissante, mais la présidence de Donald Trump et ses combats pour reconquérir la Maison Blanche ont donné un énorme coup de pouce aux militants d'extrême droite sur le terrain.
Certaines des scènes les plus laides sur les campus américains ont eu lieu lors de l’attaque sioniste organisée contre le campement de l’Université de Californie à Los Angeles, sous les yeux de la sécurité du campus et des policiers anti-émeutes. Ailleurs, par exemple à l'Université de Chicago, nous avons vu des voyous brandir des drapeaux américains et israéliens menacer des campements.
Il y a eu des affrontements entre étudiants de gauche et de droite à Columbia en 1968, mais le potentiel d’une alliance entre sionistes et fascistes est bien plus grand aujourd’hui.
Rien de tout cela ne diminue l’ampleur du mouvement de solidarité avec la Palestine. Les étudiants ont été à l’avant-garde de ce mouvement. Les efforts visant à les réprimer sont un signe de la façon dont les classes dirigeantes ont été mises sur la défensive par le dégoût populaire face à leur complicité avec la guerre génocidaire d'Israël.
Cette guerre pourrait entrer dans une nouvelle phase, alors qu’Israël menace de lancer son offensive tant redoutée contre Rafah. Répondre à cette menace nécessitera une mobilisation non seulement de la part des étudiants qui ont ouvert la voie, mais également de la part des travailleurs.
L’expérience de la guerre du Vietnam a été pour des millions de personnes une leçon pratique sur la nature de l’impérialisme. La même chose se produit aujourd’hui, à une époque où les puissances impérialistes rivales s’alignent les unes contre les autres à l’échelle mondiale.
Les classes dirigeantes occidentales s’en tiennent à l’État meurtrier d’Israël parce qu’elles considèrent Gaza comme un simple front dans cette lutte mondiale. Cela souligne l’importance de comprendre, comme l’a fait ma génération, que le problème est le système et que nous devons le renverser.