Le parti travailliste et son mythe de l'indépendance indienne
C'est la pression massive des Indiens, et non l'internationalisme du parti travailliste, qui a permis de remporter la bataille pour l'indépendance
![Manifestation en Inde contre la commission Simon en 1928. Sur la banderole, on peut lire « Simon, reviens »](https://recyclerie-du-golfe.com/wp-content/uploads/2024/07/Le-parti-travailliste-et-son-mythe-de-l39independance-indienne.jpg)
Le Parti travailliste célèbre l'indépendance de l'Inde comme l'une des grandes réussites de son gouvernement de 1945 à 1951, et du Premier ministre Clement Attlee en particulier. Ce dernier l'a d'ailleurs décrite comme « l'accomplissement de la mission britannique en Inde ». C'était là une véritable hypocrisie.
Quelles étaient les références anti-impérialistes d'Attlee ? En 1928, le gouvernement le nomma membre travailliste de la commission Simon, envoyée en Inde pour faire rapport sur les réformes constitutionnelles. Comme il n'y avait pas de représentants indiens au sein de la commission, le Congrès national indien (INC), un parti anticolonialiste, décida de la boycotter.
Lorsque la commission arriva en Inde, elle fut accueillie par une grève générale et partout où elle passa, les gens manifestèrent. Rien de tout cela ne semble avoir perturbé Attlee. Le 30 octobre 1928, à Lahore, la police attaqua une manifestation de protestation menée par Lajpat Rai, âgé de 63 ans. Il mourut plus tard des suites de ses blessures infligées par la police.
Rai était un ami du fondateur du Parti travailliste Keir Hardie et avait autrefois espéré de grandes choses de la part de son parti. Mais quelques jours avant sa mort, il avait lancé un avertissement : « Nous ne devons rien attendre du Parti travailliste. »
C'est Attlee, alors vice-Premier ministre, qui ordonna l'arrestation de Gandhi et des dirigeants du CNI en août 1942, précipitant ainsi la grande révolte du Quit India. Avec le soutien du gouvernement de Londres, les autorités indiennes réprimèrent le soulèvement avec la plus grande brutalité.
La police et les troupes ont incendié des villages et arrêté plus de 90 000 personnes, torturé nombre d'entre elles et tué jusqu'à 25 000 manifestants.
En juillet 1945, le parti travailliste prend le pouvoir et Attlee devient Premier ministre. Le gouvernement est déterminé à conserver l'Inde mais reconnaît que pour y parvenir, la Grande-Bretagne devra concéder une certaine autonomie.
L’objectif était de créer une Inde faible et fragmentée, gouvernée par des dirigeants fantoches, afin que l’Inde puisse continuer à fournir des troupes et des bases militaires à l’Empire britannique. Le gouvernement a donné à cette stratégie le nom de « Plan Balkan ».
Mais le projet fut renversé par un mouvement croissant de protestation nationaliste qui menaçait de se transformer en rébellion à grande échelle.
L'événement décisif fut la mutinerie de la marine royale indienne qui éclata à Bombay (aujourd'hui Mumbai) en février 1946 et qui toucha bientôt les équipages de 78 navires de guerre dans les ports du pays. Parmi les revendications des mutins figuraient l'égalité des salaires avec les marins britanniques et le retrait des troupes indiennes d'Indonésie.
À Bombay, des militants ont appelé à une grève générale en soutien aux marins et quelque 300 000 ouvriers ont débrayé. Ensemble, ils ont érigé des barricades dans les rues et se sont affrontés à la police et aux soldats. Les dirigeants de l'INC craignaient que les manifestations ne deviennent trop radicales et ont persuadé les mutins de les annuler.
Pour l'armée britannique, cependant, le destin était déjà clair : elle comprenait qu'elle ne disposerait pas des ressources nécessaires pour écraser une rébellion de grande ampleur, surtout si des troupes indiennes se joignaient aux rebelles.
Le vice-roi des Indes nommé par le gouvernement, le maréchal Archibald Wavell, fut averti qu’il était peu probable qu’une « rébellion du Congrès puisse être réprimée ». Mais le gouvernement a dû être convaincu qu’il ne pouvait pas conserver l’Inde.
Bevin a soutenu que la Grande-Bretagne devait garder le contrôle du pays pendant encore 15 ans si nécessaire. Elle devait réprimer toute rébellion, écraser le CNI et mettre en place des gouvernements fantoches pour diriger une nation divisée. Mais au final, le parti travailliste a dû accepter que ce n'était tout simplement pas possible.
Lorsque l’Inde a finalement obtenu son indépendance en août 1947, ce n’est pas grâce à la « générosité » ou à l’« internationalisme » du parti travailliste. Le peuple indien lui-même a conquis sa liberté au prix d’une lutte héroïque, et souvent sanglante.