Large anti-racist march in Marseilles, France, June 2024. Thousands on the streets with Palestinian and red flags

Des tâches urgentes pour la gauche après la victoire des fascistes au premier tour des élections françaises

Les élections en France sont un formidable coup de pouce pour les fascistes et la gauche doit relever le défi antiraciste

Grande marche antiraciste à Marseille, France, juin 2024. Des milliers de personnes dans les rues avec des drapeaux palestiniens et rouges

Les résultats des élections législatives anticipées en France exigent une réponse antiraciste massive. Et ils constituent un terrible avertissement adressé au monde entier sur la façon dont les fascistes peuvent prospérer en temps de crise.

Selon les sondages à la sortie des urnes, le Rassemblement national fasciste (RN) a obtenu 34 pour cent des voix, l'alliance de gauche Nouveau Front populaire (NPF) a remporté 28 pour cent tandis que la coalition du président néolibéral Emmnauel Macron a été humiliée avec seulement 20 pour cent.

Ces chiffres ne se traduiront pas directement en nombre de députés. Cela dépendra du second tour du scrutin dimanche prochain (voir ci-dessous).

Mais si ce vote se répète dimanche prochain, il est possible que Jordan Bardella, du RN, soit premier ministre.

C’est une menace énorme pour l’ensemble de la classe ouvrière. C’est le résultat de nombreuses années de partis dominants de type conservateur et travailliste qui renforcent le racisme et l’islamophobie et écrasent les travailleurs pour le profit.

Même si le RN est aux portes des élections, Macron et ses alliés ont passé les deux dernières semaines à attaquer le candidat de gauche Jean-Luc Mélenchon plutôt que les fascistes. L'ancien Premier ministre de Macron, Edouard Phillipe, a déclaré après les résultats qu'il soutiendrait uniquement les partis les plus à droite de l'alliance de gauche au prochain tour.

Il n'y a pas de temps a perdre. C'est banaliser la situation que de dire que le vote pour le RN n'est qu'une réaction malavisée à la souffrance sociale et au manque de politiques positives de la part des autres forces politiques. Cela fait partie de la vérité, mais c'est bien plus que cela.

Les fascistes prennent la fureur et le vide que ressentent les gens et les enveloppent dans un programme de racisme, d’islamophobie et d’antisémitisme.

Si Bardella devient Premier ministre, ce ne sera pas comme lorsque les nazis sont arrivés au pouvoir en Allemagne en 1933. Il n’a pas encore les forces de la rue ni la force nécessaires pour détruire la gauche, les syndicats ou la démocratie.

Mais ce sera un changement qualitatif. Des lois feront des 3,5 millions de personnes ayant une double nationalité des citoyens méprisés et de seconde classe. La police aura toute liberté pour se montrer encore plus brutale envers les musulmans, les grévistes, les manifestants, les jeunes noirs et métis et les antiracistes.

Il y aura une vague de sentiment « La France pour les Français ». Tous les musulmans, sauf les plus « loyaux », seront suspects.

Le RN placera ses hommes à tous les niveaux de l’État, depuis les hauts policiers jusqu’à l’administration locale de la santé, de l’éducation et des conseils municipaux.

Et les bandes fascistes qui ont déjà perpétré des attentats à Lyon, à Montpellier et à Paris se sentiront à nouveau confiantes d'avoir le soutien d'en haut. Elles grandiront.

Il n'est pas nécessaire que cela se passe comme ça. Les militants antiracistes disposent d'immenses ressources. Le week-end du 15 et 16 juin, environ 800 000 personnes sont descendues dans la rue contre le RN.

Il est crucial de mobiliser ces personnes, et les nombreuses autres horrifiées par le dernier vote du RN.

Et cela doit passer par la lutte contre le racisme, et pas seulement contre la politique pro-corporative du RN.

La fédération syndicale la plus militante, la CGT, a souligné à juste titre cette semaine que le RN « a voté contre l'augmentation du SMIC, contre le gel des loyers, contre la taxation des dividendes. Il défend les patrons, pas les travailleurs. Son programme social fond comme neige au soleil.»

Mais il ne mentionne pratiquement pas le racisme. Il n'y a qu'un seul sous-paragraphe sur le racisme dans une déclaration de près de 1 000 mots.

Si vous ne détruisez pas les mythes sur les migrants, les musulmans et les réfugiés, vous laissez au RN ses munitions clés.

Denis Godard France RN fascismeDenis Godard France RN fascisme

Un socialiste révolutionnaire parle de la lutte contre la menace fasciste en France

Le groupe socialiste révolutionnaire Autonomie de Classe (A2C) déclare : « Construisons des zones antifascistes partout dans nos lieux de vie, d'études ou de travail. Manifestons contre leurs réunions et faisons campagne contre leur campagne.

« Mettons l'antiracisme au cœur de la lutte antifasciste. »

L'A2C appelle à mettre au centre des débats les mouvements pour la Palestine et contre le racisme, les droits des femmes, le changement climatique et la transphobie, et non à les reléguer derrière la pression en faveur de l'unité autour du NPF.

La plupart des antiracistes soutiendront le NPF au second tour. TLe NPF regroupe la France insoumise de Mélenchon, le Parti socialiste de type travailliste, le Parti communiste et les Verts.

Un militant de LFI a confié à Socialist Worker : « Il faut se battre bec et ongles pour mobiliser le plus grand nombre possible de personnes qui se sont abstenues avant le second tour. Je déteste le RN mais le nombre de voix du NPF est un véritable exploit. »

Mélenchon a déclaré que le choix était désormais une majorité pour le NPF ou une victoire désastreuse et source de division pour le RN.

Mais le NPF a ses propres faiblesses. Il comprend certaines des mêmes personnalités – comme François Hollande – qui ont ouvert la voie au RN en légitimant le racisme et l’islamophobie et en attaquant la classe ouvrière.

En tant que président de 2012 à 2017, Hollande a instauré un état d'urgence de deux ans qui a donné à la police des pouvoirs extrêmement répressifs. En 2016, il a fait adopter par décret une loi majeure attaquant les droits des travailleurs et des syndicats. Il a refusé de reculer malgré des grèves et des manifestations massives.

Il a soutenu la loi Cazeneuve en 2017, qui a donné à la police le permis de tuer. Il a réprimé les manifestations pour la Palestine en 2014.

On ne peut pas construire une alternative au RN autour de telles personnes, et pourtant le NPF fait de telles concessions.

Quoi qu’il arrive dimanche prochain, la tourmente s’annonce. Bardella pourrait devenir Premier ministre. Ou si aucun parti n’a la majorité, Macron pourrait nommer un « technocrate » – la chef de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, a été mentionnée dans certains rapports. Le manque scandaleux de démocratie et la mise en œuvre de l’austérité ne feront que renforcer les fascistes.

Certains évoquent même la possibilité pour Macron de recourir à l’article 16 de la Constitution, qui confère au président des « pouvoirs exceptionnels » en cas de crise aiguë. Il pourrait ainsi gouverner sans Parlement.

Quelles que soient les manœuvres au sommet, la mobilisation à la base sera l’enjeu décisif pour contrôler les fascistes et commencer à les repousser.

La manifestation de 70 000 personnes qui s'est tenue samedi dernier à Essen, en Allemagne, à l'occasion de la conférence du parti d'extrême droite AFD, est un bon signe du potentiel de riposte.

Une dernière réflexion. Imaginez-vous en janvier prochain, lors d'un sommet des dirigeants mondiaux. Il est possible que sur scène apparaissent le président américain Donald Trump, le premier ministre français Jordan Bardella, le premier ministre fasciste italien Giorgia Meloni, le président argentin d'extrême droite Javier Milei et plusieurs autres issus de la même porcherie.

Il faut une réponse urgente. Nous avons besoin d'une agitation antiraciste spécifique et d'une alternative socialiste qui organise la colère des travailleurs contre les patrons et le capitalisme.


Comment fonctionnent les élections en France

Un second tour de scrutin aura lieu dimanche 7 juillet prochain. Pour être élu au premier tour, un candidat devait remporter au moins 50 pour cent des suffrages exprimés, avec une participation d'au moins 25 pour cent des électeurs inscrits. Il y en aura très peu, donc dans la grande majorité des 577 circonscriptions, il y aura un second tour.

Si aucun candidat n'est élu au premier tour, tout candidat qui remporte plus de 12,5 pour cent des électeurs inscrits peut passer au second tour.

Au deuxième tour, le candidat ayant obtenu le plus de voix l'emporte, sans aucune autre restriction.

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